Ce n'est pas le franc fort mais la globalisation qui inquiète une grande partie des agriculteurs du Valais. Environ 8% de producteurs bio se battent pour une consommation locale, dans la mesure des lois du marché.
Une tablée d'une quarantaine de fromage accompagne les vins de Marie-Thérèse Chappaz. Deux ans après avoir fêté ses 20 ans de carrière, la vigneronne de 52 ans au caractère bien trempé remercie ses ouvriers par un banquet dans la forêt des Châtaigniers, sur les hauteurs de Fully.
Fromagers, amis, voisins, clients... La Valaisanne a toujours axé son activité sur la proximité en vendant son vin directement à la cave. « Comme je ne fais quasiment pas d'exportation, le franc fort ne m'inquiète pas. » Au contraire, Marie-Thérèse profite de la saison pour des achats d'outillage qui n'existe pas en Suisse.
Ce qui la préoccupe, toutefois, c'est la globalisation alimentaire. « Si les produits importés n'arrivent plus, comment fera t-on pour nourrir le pays ? » Depuis 2001, l'ouverture des frontières suisses a apporté son lot de contradictions. Difficile de s'aligner sur les prix d'un marché basé sur des critères inégaux. « En Suisse, nous ne pouvons pas élever des poulets en batteries mais les poulets importés peuvent être vendus sans cette restriction. »
Marie-Thérèse souhaiterait défendre la voix des agriculteurs politiquement. Mais à la tête de dix hectares et cinq employés, elle n'a ni temps ni énergie pour se consacrer à ses idées. « Nous ne pouvons pas uniformiser les normes à des systèmes de culture différents, même entre le Tessin aux fortes pluies et le Valais très sec. »
Chercher une clientèle fidèle à la qualité
L'énergie, ce n'est pas ce qui manque à son voisin et ami Jacques Granges, 65 ans et solide comme un roc. Depuis 1971, il surplombe son domaine du hameau de Beudon, accessible par un téléphérique privé. Un choix de vie qu'à adopté sa femme Marion.
Jusqu'au millésime 2002, il vendait sa production à la Coop. La marque de grande distribution le pressait de baisser ses prix, en partie suite à l’arrivée des vins français à moindre coûts. En refusant, Jacques perdit son principal acheteur. « Mais c'était une bonne nouvelle, estime t-il avec le calme et l'optimisme qui le caractérise. Car aujourd'hui, je stocke un vin qui prend de la valeur avec le temps. »
Le viticulteur polyglotte a du s'ouvrir à une clientèle internationale lors de salons tel que « Renaissance des appellations » à Vérone. Près d'une bouteille sur dix est vendue à l'étranger. Une entrave à sa philosophie biodynamique poussée à l’extrême, respectant la terre et les astres ? « Tous ces bateaux qui nous viennent avec des bouteilles de Californie ou d'Amérique latine, il faut bien qu'ils repartent avec un petit quelque chose », marmonne-t-il ironiquement dans sa grosse barbe blanche.
De sa parcelle de terrain qu'il appelle la « plaza de la Revolucion », ou « place du 7 août » avec vue de Sion à Martigny, l'ingénieur agronome, diplômé à l'école polytechnique de Zurich, rappelle que le Valais s'élevait déjà en 1953 contre les wagons chargés d'abricots italiens. « Depuis cette date, nous allumions chaque année des feux pour symboliser notre présence agricole dans la vallée. » Une tradition perdue suite aux interdictions de feu dans la région en période estivale.
Des consomm'acteurs ?
En amont, au Pont de la Morge, le président de Bio-valais, Jean-Yves Clavien croit en une prise de conscience des « consom'acteurs ». « Heureusement que je reste optimiste, je viens d'investir 400 000 francs dans des machines pour faire de la purée bio. »A la tête d'une entreprise de trois employés, cet ancien apprenti commercial vend cent tonnes de purées à Nestlé pour la première saison. La multinationale, consciente d'un marché local juteux, accepte des prix de production plus élevés pour l'image. « Ils pouvaient acheter les purées pour 50 centimes en France, je leur en proposait 1 franc. Ils ont accepté pour avoir un produit étiqueté suisse. »
Un accord entre le monde des bureaux et celui de la nature pas toujours compatible. Sur le contrat, Jean-Yves avait annoncé un taux de sucre de 8 à 12%. Suite à un printemps ensoleillé, la purée en contenait 12,5%. « Ils voulaient me renvoyer la marchandise. J'ai dû leur expliquer que ce taux signifiait une meilleure qualité de fruit. » Un produit de luxe pour le consommateur moyen ? En roulant sa cigarette, Jean-Yves rétorque : « Ce n'est pas le budget nourriture d'en moyenne 8% qui ruine les ménages. Mais le loyer et les assurances qui accaparent les deux tiers de leur salaire. »
Photos : Un grand merci à Radu Negoescu pour son aide précieuse.
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