Litige. En entrant dans l'association Fümoar 22% des restaurants bâlois se proclament non-public. Ils peuvent ainsi contourner l'interdiction de fumer.
Soirée d'été à Bâle. Deux jeunes femmes commandent un narguilé dans un bar branché du centre ville. L'une d'entre elles est un peu tendue, elle ne détient pas de carte membre Fümoar. Pourtant ce sésame qui ouvre la porte à 192 établissements de la ville est de plus en plus utile, voir nécessaire pour participer à la vie nocturne en compagnie d'amis fumeurs. Faute de protocole, le serveur omet de contrôler la jeune hôtesse de l'air.
L'idée de fonder une sorte de "club pour fumeur" a été lancée par six restaurateurs du Kleinbasel (côté nord du Rhin) qui craignaient de perdre leur clientèle lors de la mise en vigueur de l'interdiction de fumer en avril 2010 à Bâle-Ville.
Fin 2010, en seulement neuf mois d'existence, Fümoar comptait 124'980 membres et devenait ainsi la plus grande association du pays. Le succès que rencontre l'association est tel que son conseil d'administration a décidé de réduire le nombre de restaurants membres à deux cent. Aussi le concept Fümoar semble avoir traversé les frontières nationales. Ce printemps, une délégation flamande a fait le déplacement pour tenter d'adapter le modèle au cadre légal belge.
Mario Nanni, président de l'association et propriétaire du restaurant Pinguin spécialisé en bière, explique qu'il n'a même pas le droit de laisser entrer un touriste voulant utiliser les toilettes. Avant de se soulager ce dernier devrait lui acheter une carte de membre d'un mois pour trois francs ou d'un an pour dix francs.
Malgré les aberrations de ce genre, Mario Nanni estime que l'association est nécessaire pour garantir les droits des fumeurs: "La constitution doit protéger les minorités, c'est une idée profondément démocratique", dit-il en tassant le tabac d'une cigarette sur la table.
Le président développe son argumentation: "C'est comme dans un club échangiste. Vous pouvez simplement regarder les autres faire mais vous devez être membre sinon vous ne pouvez pas entrer. Personne ne vous oblige à participer aux ébats!" Pour lui, c'est une question de liberté personnelle, les non-fumeurs sont les bienvenus.
En demandant une cotisation allant de 150 à 250 francs par an selon la taille de l'établissement, Fümoar assure une protection juridique à ses membres. Ceux-ci sont quant à eux tenus de respecter les règles du jeu. Un contrôleur a été mis en place pour vérifier si les restaurateurs demandent à voir les cartes de leurs clients et si les panneaux de l'association sont correctement accrochés. "Si lors d'une plainte pénal il apparaît qu'un restaurateur a dérogé à nos statues, nous nous réservons le droit de l'expulser."
A la limite de la légalité
La base légale de l'association est controversée. Mario Nanni et l'avocat genevois Thierry Julliard s'appuient sur le droit d'association suisse. Début juillet, le socialiste Hans-Peter Wessels qui est aux commandes du département de construction, a posé un ultimatum à l'association.
Jusqu'au 27 novembre, date à laquelle le peuple bâlois devra se prononcer sur l'initiative populaire lancée par Fümoar et la fédération des restaurateurs bâlois, la fumée sera tolérée dans les bistrots ne dépassant pas les 80 mètres quarrés. Dans le cas d'un refus, l'interdiction sera de nouveau étendue à l'ensemble des établissements.
L'initiative en question projette d'adapter la loi bâloise à la loi fédérale sur la fumée, celle-ci étant moins sévère: "Nous avons rassemblé plus de 6000 signatures en 23 jours. C'est du jamais vu dans l'histoire de Bâle-Ville", s'enthousiasme Mario Nanni.
Le président de Fümoar se montre confiant pour l'avenir et dit ne pas vouloir se plier à la volonté d'un seul conseiller d'Etat, même au cas où l'initiative ne devait pas passer. "Tout ce cirque n'aurait pas été nécessaire si Monsieur Wessels avait bien voulu discuter avec nous dès le début."
Un résumé de cette article est à découvrir dans le dossier Tabac de l'Hebdo de cette semaine (p. 58)
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