En dessinant un parcours concernant les barrières de séparation, rien ne semblait a priori indiquer un détour par l’Italie. Sur les listes officieuses recensant les murs figure pourtant, en ultime position avec ses huitante mètres de largeur, celui de la via Anelli, à Padoue. Il suffit de demander son chemin pour se rendre compte que, dans la cité vénitienne, tout le monde sait où il se situe. Il faut dire qu’en août 2006, lorsque le maire de gauche Flavio Zanonato avait érigé la palissade, les journalistes s’étaient empressés de couvrir le sujet et les adversaires politiques de l’époque avaient vivement condamné « une logique aberrante et une mise en scène sécuritaire » ou « une arrogance idéologique qui permet de construire un mur séparant le bien et le mal ».
Au moment de la polémique, le quartier, théâtre de violence entre clans et plaque tournante du trafic de drogue local, cristallisait l‘attention. Au milieu de six édifices ayant accueilli jusqu’à 600 personnes quasi toutes étrangères, la cour et les labyrinthes des garages souterrains permettaient aux fauteurs de troubles d’opérer en toute impunité. En construisant la barrière et en encerclant le complexe immobilier, les autorités entendaient le condamner, puis réaffecter la zone.
Quatre ans après les faits, le débat s’est tassé et les immeubles, conformément aux promesses faites, ont été vidés et leurs habitants relogés. Les rares reproches adressés aux élus sont ceux d’en avoir trop faits pour les immigrés ou concernent les délais d’assainissement du quartier. Du côté de la commune, on confirme négocier avec les différents propriétaires alors que les projets d’appartements et bureaux sont toujours prévus.D’ici-là, le mur restera en place, ne serait-ce que pour dissuader d’éventuels squatters. En effet, pour pénétrer dans l’enceinte, l’option la moins risquée consiste à escalader le seul portail non agrémenté de piques, une entreprise guère aisée. En le franchissant, on accède cependant à une espèce de no man’s land. Les slogans en anglais approximatif, tagués sur les murs, les séchoirs encore suspendus aux fenêtres, des habits égarés, une poupée dans une flaque ou le silence des rues alentour renforcent ce curieux sentiment d’appartenir à l’Histoire, comme si à cet endroit, une catastrophe s’est jouée.
Le maire lui-même a reconnu durant les dernières élections que si c’était à refaire, il se contenterait d’un simple grillage. On en vient pourtant à se demander ce qu’il serait alors advenu de ces familles d’immigrés qui trouvaient, rue Anelli, les seuls logements à leur portée. La vocation finale de ce mur aura peut-être été de les mettre au centre des débats et de les sortir d’un ghetto qui existait déjà bien avant la pose du premier bloc d‘acier.
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